3 avril 2023 Constance Marechal-Dereu

Vers le verdissement logistique de l’économie – Regardons les choses en face ensemble !

Mars 2023 : Dans sa tribune, Anne-Marie Idrac rappelle que la filière logistique est mobilisée pour accélérer sa propre modernisation et contribuer à celles de toute l’économie, à travers 3 actions qui restent encore largement à amplifier.

 

Les crises des dernières années ont mis en lumière le caractère essentiel de la logistique et des transports de marchandises pour la résilience de notre économie. Plusieurs perspectives font envisager le développement de leur utilité : la réindustrialisation et le souci de souveraineté, l’économie circulaire, l’aménagement du territoire…

Ces activités ont aussi une responsabilité particulière de sobriété et de décarbonation : elles représentent 1/3 des émissions de CO2 des transports, soit 10% de celles de toute l’économie ; notons que c’est juste l’équivalent du poids du secteur dans le PIB. L’avenir de la filière a une double dimension, économique et environnementale, bien relatée dans la stratégie nationale logistique adoptée par le Gouvernement en décembre 2022.

Pour moi, la vision globale est celle-ci : davantage de logistique au service de l’économie, moins d’impacts environnementaux.

 

À l’occasion du 40ème anniversaire de la SITL, regardons les choses en face pour aller de l’avant concrètement. Je discerne trois axes d’actions, du plus « évident » au plus global.

1. Primo, le mouvement de verdissement des transports de marchandises avec d’une part le report modal vers le ferroviaire et le fluvial, d’autre part l’accélération de la transition énergétique du mode routier. Cela commence à faire l’objet de planifications dans le temps ; regardons les choses en face : il sera long et couteux.

    • Pour le ferroviaire, l’objectif ambitieux est un doublement, à 18% de part de marché, d’ici 2030 ; l’essentiel sera de disposer de sillons sur un réseau déjà très occupé par les trains de voyageurs et les travaux de moyen-long terme nécessaires à sa remise à niveau.
    • Pour les camions, il faudra des années et beaucoup d’argent pour passer du diesel fossile dominant à un mix énergétique plus diversifié.

Ainsi, la feuille de route du secteur bientôt publiée au titre de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) prévoit-elle qu’entre 20 et 30% du parc -100 à 150.000 poids lourds- pourraient être électrifiés d’ici 2035 (pour les camionnettes, les choses iront sans doute plus vite).

Le rythme et les ordres de grandeur opérationnels sont donnés par les récentes annonces gouvernementales d’aides à cette électrification, calées sur les capacités de production des véhicules : elles  pourraient concerner quelques centaines de camions en 2023, avec espérons-le une montée en puissance dans la durée ; cela suppose bien du travail aussi sur la disponibilité effective de cette énergie et de ses lieux de distributions. Cette clarification du tempo devrait aider aux choix d’investissements comme au réalisme de la mise en place de ZFE par les agglomérations.

    • L’intermodalité associant tous les modes de transport, jusqu’à la cyclologistique pour certaines livraisons urbaines, contribue à l’agilité et l’efficacité d’ensemble – étant entendu que chaque mode a ses créneaux de pertinence sur les volumes-poids et les distances atteignables.

 

2. Deuxio, moins connu est le sujet du maillage des lieux de stockages par lesquels passent les marchandises, tout au long de chaînes sophistiquées, depuis les usines ou les champs vers leurs clients finaux, entreprises, chantiers, commerces et particuliers.

Ces contributions essentielles à l’approvisionnement deviennent plus cruciales encore dans des perspectives de réindustrialisation et de souveraineté productive. Or, là encore, regardons les choses en face : la pénurie d’entrepôts qui atteint de nombreuses régions françaises vient pénaliser la compétitivité et l’attractivité de notre territoire, tout en augmentant indûment les distances à parcourir.

Cet immobilier logistique se localise rationnellement en fonction des lieux d’importation et d’exportation, de production, distribution ou livraisons, et bien sûr des systèmes de transports. En outre, les entrepôts d’aujourd’hui intègrent pleinement les défis climatiques et environnementaux dans la conception, la construction ou la réhabilitation et l’exploitation des bâtiments : densification, utilisation de friches, production d’énergie photovoltaïque…

La prise en considération de cet enjeu commence à apparaître dans les réflexions sur les schémas régionaux d’aménagement des territoires et les documents d’urbanisme, ainsi que dans les diverses politiques publiques relatives à l’industrie.  Mais tout cela reste balbutiant, on est encore assez loin d’aboutir à des cartographies opérationnelles volontaristes.

Si les entrepôts ne représentent que 1% de l’usage des sols, les règles concernant l’artificialisation (ZAN à l’horizon 2050) rendent impératif un travail collectif de planification, à tous les échelons géographiques, de ces équipements indispensables.

 

3. Le troisième niveau d’enjeu va au-delà du secteur stricto sensu : il s’agit de la sobriété logistique non seulement de ces opérations mais en amont de l’ensemble des chaînes d’approvisionnements et de distribution, les « supply chains ».

Les entreprises du transport et de la logistique sont par nature engagées dans la sobriété : leur cœur de métier et le fil rouge de leurs innovations est l’optimisation des ressources (km, énergies, m2 et m3) nécessaires à la réalisation de leurs services. Leurs clients – les chargeurs – voient leurs responsabilités accrues par les logiques de développement durable. Au-delà de l’accompagnement de leurs prestataires transporteurs et logisticiens, nombre d’acteurs industriels et de la distribution ont déjà entrepris des transformations plus structurelles de leurs modèles de gestion des stocks et des flux. Ces questions commencent à être évoquées au Conseil National de l’Industrie.

Pour réduire les distances et augmenter les volumes transportés par véhicule, on peut évoquer à titre d’exemples, parmi les initiatives soutenues par le programme fret 21 : la mise à jour des notions de « juste à temps » dans leurs multiples dimensions ; le choix des sites à desservir ; la massification et la mutualisation des livraisons entre plusieurs entreprises, incluant la réduction des retours à vide ; l’optimisation des opérations dans l’économie circulaire ou encore la réduction et le recyclage des emballages…. Le partage encore bien timide des données d’intérêt collectif dans le respect des modèles concurrentiels peut contribuer à de telles réorganisations.

 

Finalement, les transformations engagées impliquent l’ensemble des acteurs, privés et publics, avec des outils techniques et juridiques, des organisations et des pratiques multiformes ; la filière logistique pour sa part est mobilisée pour accélérer sa propre modernisation et contribuer à celles de toute l’économie.

 

Anne-Marie IDRAC,

Présidente de France Logistique.

 

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