17 avril 2025 Constance Marechal-Dereu

SITL 2025 : Séance inaugurale

Compte-rendu de la séance inaugurale du SITL 2025

Avril 2025 – A l’occasion de l’ouverture du SITL, Anne-Marie Idrac a pris la parole lors de la séance inaugurale, après une introduction de Jean-Marc Vittori. Voici un compte rendu de cette conférence.

 

Jean-Marc Vittori a fait un rappel des grands changements mondiaux qui s’opèrent actuellement, en exposant 7 points :

  • Nous sommes passés du monde du risque au monde de l’incertitude, un monde dans lequel on ne peut pas prédire ce qui se passera. Ce changement s’est produit du fait d’une ouverture du monde et de l’augmentation des interactions physiques et virtuelles.
  • La montée en puissance de la géopolitique : Brexit, élection de Donald Trump, crispations nationalistes, retour de la guerre, concurrence pour les ressources.
  • Aux Etats-Unis, Donald Trump constitue un grand moteur d’incertitudes. Nous assistons à une guerre commerciale tactique jamais vue.
  • L’Europe avance et recule à la fois. Sa croissance est plombée, sa productivité est au ralenti, sa règlementation est effroyable. En 12 ans, il y a eu 13 000 nouvelles lois et règlements en Europe. Mais il y a aussi de vrais progrès comme la politique carbone ou les mécanismes de défense commerciale.
  • La Chine a un modèle de croissance cassé. Mais au niveau microéconomique, c’est un pays qui avance très vite, notamment sur les questions d’innovation.
  • Le Global South est la représentation de la fragmentation du monde. Il concentre les pays qui ont la croissance la plus rapide aujourd’hui, l’Inde et l’Indonésie ; ce sont des pays qui cherchent un autre modèle culturel et pourraient vouloir une autre monnaie que le dollar
  • Ces points s’inscrivent dans trois grandes tendances :
    • la transformation numérique du monde – on voit par exemple émerger plusieurs formes d’intelligence artificielle ;
    • la transition énergétique – il y a une prise de conscience et la mise en place de travaux importants ;
    • la démographie – la France compte actuellement plus de décès que de naissances. Le monde entier est vieillissant et, si la pente reste la même en 2100, il y aura 4 milliards d’habitants sur Terre.

La démondialisation a commencé avec la crise de 2008, mais nous sommes dans un monde différent, car les chaines de valeurs sont en train de changer et recomposent le monde. Dans tout cela, le secteur du transport et de la logistique doit se reconfigurer. Flux, modes d’organisation, routes, outils, à la fois au sein des entreprises et entre les entreprises. Il faut fonctionner comme un écosystème. Mais le secteur a un atout : son adaptabilité.

 

En réponse à cette introduction, Anne-Marie Idrac a présenté les enjeux de la filière :

Nous sommes en réalité dans une reconfiguration permanente. La mission de notre secteur est l’acheminement des produits au bon endroit, au bon moment et dans les meilleures conditions de coûts. Ce qui implique une adaptation aux réalités économiques, quelles qu’elles soient.

En ce moment, la situation économique de l’Europe et la France est difficile et affecte tous les secteurs. La reconfiguration actuelle se traduit par des défaillances à des niveaux historiques : les coûts et les charges augmentent, mais les prix ne suivent pas. Dans ce contexte de « ciseau », où les marges sont déjà très faibles, le secteur doit une fois encore se réinventer.

La géopolitique n’est pas un phénomène inédit pour la logistique : l’entrée de la Chine dans l’OMC en 2001 avait déjà déclenché une modification des flux du commerce mondial.  La vraie révolution est l’accélération des changements dans les supply chains.

Même s’il n’y a pas encore de réelle réindustrialisation, on observe la montée en puissance du nearshoring et du friendshoring, c’est-à-dire une forme de régionalisation de la mondialisation.

Cette reconfiguration accroit le besoin de logistique. Le nombre de fournisseurs augmentant, le besoin de transport pour les relier aux clients se multiplie, et avec lui le besoin de stockage et de temps de stockage. Tout ceci dans le but de s’adapter à de nouveaux rythmes de production et de consommation.

La reconfiguration est aussi liée à la guerre commerciale, aux droits de douanes et aux obstacles non tarifaires.  Nous avons la chance d’avoir un appareil logistique de grande qualité en France avec un bon maillage territorial – essentiellement routier mais aussi ferroviaire – et de grands acteurs mondiaux qui savent gérer la complexité. Dans ce contexte, la gestion réglementaire et documentaire est toujours un défi pour les logisticiens.

Nos maitres mots doivent être :

  • Innover, notamment dans les organisations, pour favoriser la massification ;
  • être résilients, et pour cela nous devons être protégés face à des irruptions législatives et à une concurrence déloyale. Plus le monde extérieur se complexifie, plus notre marché intérieur doit être simple.

C’est cette résilience que nous devons renforcer. Nous pourrons la développer par notre agilité, et avec une bonne écoute des pouvoirs publics.

Dans un monde qui se crispe, la crispation ne doit pas être notre réponse. Il faut développer comme atouts notre capacité à nous transformer et à coopérer.

La coopération est déjà au cœur de notre secteur.  Je souhaite que l’on trouve des moyens d’amplifier cette dynamique, et que l’on innove davantage. Vous savez que France Logistique est engagée sur ce sujet de l’innovation, avec les clusters et écosystèmes locaux.

En particulier, la coopération par le partage des données reste un défi, car personne ne souhaite réellement s’engager. Trop souvent, les expérimentations butent sur l’absence d’intérêt commun. Pourtant, certains logisticiens ont trouvé des systèmes de partage, permettant notamment de réutiliser les données des clients pour réaliser des analyses de filière ou des études comparatives. Il faut saluer ce qui fonctionne.

En ce qui concerne le verdissement, l’outil majeur reste la massification. Elle nous impose de repenser nos méthodes :  recourir au ferroviaire, mais aussi mieux remplir les camions, les entrepôts, éviter les retours à vide, trouver les bons rythmes… Le verdissement passe largement par des innovations organisationnelles.

Les couts économiques et écologiques vont souvent ensemble. Nous avons un intérêt à les réduire de manière systémique.

 

Retrouvez ci-dessous les photos des interventions de France Logistique (crédit : SITL).

 

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