Mai 2024 : Dans sa tribune, Anne-Marie IDRAC rappelle que la filière transports de marchandises et logistique constitue l’un des piliers de la construction européenne. A l’heure des grands défis de la décarbonation et la réindustrialisation, la filière est engagée dans des transformations d’envergure sur les plans organisationnels, financiers, humains, techniques et numériques.
Un vecteur de la construction européenne
La filière du transport de marchandises et de la logistique a été l’un des vecteurs de la construction européenne : c’est elle qui rend possible la libre circulation des biens. Chaque jour, pour chaque Européen, ce sont près de 100 kg de marchandises qui sont transportées par la route, le chemin de fer, la voie d’eau, la mer ou les airs.
Les entreprises de transport, les activités d’entreposage et tous les services associés ont contribué à façonner le marché intérieur et à renforcer les liens entre l’Europe et le reste du monde.
Et pendant chacune des crises que le continent a traversées – financière, sanitaire, énergétique, géopolitique – la logistique a montré son rôle vital, permettant d’approvisionner les hôpitaux, les commerces, les chantiers, les usines, les services publics, les entreprises et les foyers : c’est en quelque sorte la vie des Européens qui tient au fil de leurs chaînes d’approvisionnement.
Demain encore plus qu’hier, l’Europe aura besoin de logistique
La filière sera une cheville ouvrière des nouveaux objectifs stratégiques de l’Europe en matière de résilience et de décarbonation. La France doit saisir ces opportunités pour renforcer la compétitivité de sa filière.
Le premier défi est celui de la réindustrialisation et de l’économie circulaire, qui amèneront des besoins logistiques nouveaux. Pour une économie plus résiliente, dans un monde et un climat qui changent, nous aurons besoin de chaînes d’approvisionnement plus adaptables, et davantage présentes sur notre territoire pour soutenir les activités productives que nous relocaliserons. Industrie et logistique, même combat !
La filière du transport et de la logistique se tient prête à accompagner, renforcer et participer à la réorganisation de nos filières productives et des chaînes d’approvisionnement. Pour être utile, elle devra être compétitive. Et elle aura besoin de ressources-clés : des compétences et des terrains, le tout dans un cadre de normes équitables, permettant une concurrence loyale entre les entreprises et entre les pays.
Une planification territoriale de la logistique, au service de l’écologie
Le deuxième défi est évidemment celui de l’écologie. Près de 10 % du CO2 que nous émettons correspond aux activités de transport de marchandises et logistique. La filière est engagée dans sa décarbonation, qui passe par de considérables chantiers organisationnels, financiers, humains, techniques.
Ces chantiers requièrent de trouver en permanence le point d’équilibre entre volontarisme et réalisme. Il faut mettre en cohérence les trajectoires industrielles, énergétiques et financières, en particulier pour le transport routier qui a commencé le chantier historique de sa décarbonation.
Nous pouvons aller plus loin, en développant un réseau de plateformes intermodales permettant de tirer le meilleur de chacun des modes de transport, notamment grâce au transport combiné fer/route et fleuve/route. Il devra s’articuler avec des installations logistiques placées aux endroits les plus stratégiques, permettant de mutualiser les flux et de gagner en efficacité. Pour réussir cela, il faut sécuriser les terrains les mieux placés, notamment près des ports, des fleuves et des chemins de fer, et engager une véritable planification territoriale, en résolvant les injonctions contradictoires de nos politiques d’aménagement du territoire.
La Chine et les Etats-Unis n’attendront pas l’Europe
Depuis plus de dix ans, la Chine poursuit ses investissements et ses opérations sur les nouvelles Routes de la soie, un projet qui se réinvente sans cesse pour renforcer les voies terrestres et maritimes avec l’Europe.
Aux Etats-Unis, le président Biden a fait de la logistique un enjeu majeur pour son pays et y veille personnellement, dans le cadre d’un conseil de la résilience des chaînes d’approvisionnement qu’il a rassemblé autour de lui, avec l’objectif de soutenir l’ensemble de l’économie.
Pour verdir la chaîne, chaque maillon compte !
Le transport et la logistique accompagnent les mutations de nos modes de vie, de consommation et de production ; ils les rendent possibles tout comme ils en illustrent les tensions et les contradictions. Nous voulons une logistique performante et des livraisons rapides, mais nous souhaitons des chaînes d’approvisionnement invisibles et sans nuisance. Les professionnels de la filière sont déjà engagés pour réduire leurs impacts, mais ce sont toutes les activités économiques qui doivent réinterroger leur organisation.
Pour le verdissement des chaînes d’approvisionnement, de l’usine au consommateur, chaque maillon compte : des comportements individuels aux politiques d’approvisionnement, de stockage et d’expédition, c’est toute l’économie réelle qui a un rôle à jouer.
La bataille se jouera enfin sur le champ numérique, avec la digitalisation des processus, le partage de données et l’optimisation permanente qui sont au cœur des chaînes logistiques. L’innovation et l’intelligence artificielle joueront un rôle déterminant pour la décarbonation, mais ce sont aussi des investissements vitaux pour la souveraineté et le contrôle de la valeur, afin que les normes et les règles du jeu dans l’espace numérique garantissent la sécurité des approvisionnements des Européens.
Le reste du monde ne nous attend pas. Il est encore temps, pour nous Européens et Français, de considérer ce secteur comme une fonction vitale de l’activité économique du continent !
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